Rêve
Ce matin m'étant couché relativement tôt, me réveille aux aurores. Je me lève, vais voir pieds nus les couleurs du matin, il y a de la brume le long des dunes, il va faire très beau, c'est sûr. Je retourne au chaud dans mon lit avec un petit plateau.. Je reprends la lecture de mon livre en cours qui raconte l'enfance de l'auteur.
Au bout d'un moment alors qu'un peu ennuyée par la prose de l'auteur, je me permets parfois de sauter des pages, décide d'essayer de me rendormir, ce que je finis par faire. Alors, mais ne me souviens plus du début, je suis dans un rêve.. Un homme, semble vouloir me surprendre en s'installant dans un grand platane donnant juste en face de chez moi. D'abord, je le vois arriver qui lance une grande serviette orange vers une des branches de l'arbre, puis qui grimpe sac au dos et appareil photo à l'épaule. Il y a aussi tout un tas de couvertures et de couettes en bas de l'arbre. Je me dis, mais cet homme s'installe pour m'espionner. Soudain au sol apparait une espèce de film composé par les couvertures qui s'animent .. image par image..
Je me suis un peu cachée pour observer la scène quand l'histoire des couvertures est comme projetée juste à mes pieds, l'homme aussi est là dans l'encoignure de la porte.. Il ressemble à CV un réalisateur auquel je n'ai pas pensé depuis vingt ans au moins.. Il rigole et m'embrasse brusquement dans le cou, côté gauche. C'est finalement quand même assez tendre... Ce réalisateur m'avait un peu courtisée à l'époque, mais je n'avais pas pu, pas voulu parce qu'il y avait dans son physique quelque chose de trop nordique, une espèce de nez en trompette qui me gênait, il ressemblait à l'image que l'on se fait des elfes, je n'avais pas envie de cet elfe sautillant..
Le plaisir, la surprise de ce baiser m'a réveillée, je crois bien que j'ai poussé un petit cri...
Les rêves sont souvent bien sûr des échappées parfois burlesques de ce qui nous encombre l'esprit.
Quelle est donc l'origine de celui-ci.. ? Je pourrais sans faire de la mauvaise cuisine psychanalytique penser que d'abord il est troublant que je sois allée ainsi fouiller dans mes méandres mémorielles pour y extirper un réalisateur dont l’œuvre la plus connue s'appelle « la Discrète » et qu'en plus, j'y songe à l'instant dont les initiales sont les mêmes que les miennes (et veulent aussi signifier également curriculum vitae). Serais-je au fond ce réalisateur.. qui m'observe, on est forcément le seul auteur de sa vie.. Ferais-je preuve d'un peu trop d'introspection à mon égard ?
Et que peut signifier cette histoire de couvertures et de couettes s'agitant, menant la danse ? Me souviens également qu'à l'époque, j'avais tenté de négocier les droits de distribution pour des courts métrages d'un jeune anglais talentueux animant des vêtements..
Voyons un peu dans le dico du symbolique des rêves..
L'arbre représente le rêveur, la vision de soi.. Mon arbre je m'en souviens, était bien droit, feuillu, en forme. Quelqu'un y grimpe.. Voudrait-on s'attacher à moi ? L'idée des couvertures correspond dit-on à une aide amicale éventuelle, bon là ça danse et c'est coloré.. Le sens de ce film en lui même m'échappe, et pourtant si j'en suis la spectatrice rêveuse, j'en suis évidemment l'auteur aussi.
Il y a aussi ce baiser volé, le titre d'un film encore.. et cet appareil photo qui finalement n'a rien pris, capté (?) .. L'idée de l'homme de l'arbre semblait bien celle de venir m'espionner ou celle de se faire voir, ce n'est pas pareil. Finalement il a été comme télé-transporté chez moi directement lui et ses couvertures..
Et puis où sont passés l'appareil photo, le sac à dos, la serviette orange ? A propos de la serviette orange, j'en ai eu une dont j'aimais beaucoup la couleur et la texture mais une fois une amie me l'a emprunté puis l'a mise à sécher sur le rebord d'une fenêtre et le vent l'a emporté..
Apparemment, l'homme avait « déposé son sac à dos » au pied de mon arbre, à mes pieds ?? « Au pied de mon arbre, je vivais heureux.. ». Me rend compte que souvent dans mes rêves il y a une chanson.. cachée.. (voir l'histoire de comment j'ai failli perdre ma voiture à cause d'un ananas.. où là, c'était la chanson de la « Belle équipe » « ah ce qu'on est bien au bord de l'eau ». Amusant non ou est-ce mon esprit vagabond et quelque peu fantasque parfois qui me fait trouver ces chansons là où elles ne sont peut être pas..).
En conclusion, ce rêve signifierait-il que j'aurais en quelque sorte déposé mes bagages acceptant mon passé dans un surprenant et souriant baiser tendre que m'apportait la vie ?? Il semble quand même qu'il ne faudrait pas que je m'éloigne trop de mon arbre.. pour rester heureuse.. Mais où est cet arbre finalement.. ?
Au bout d'un moment alors qu'un peu ennuyée par la prose de l'auteur, je me permets parfois de sauter des pages, décide d'essayer de me rendormir, ce que je finis par faire. Alors, mais ne me souviens plus du début, je suis dans un rêve.. Un homme, semble vouloir me surprendre en s'installant dans un grand platane donnant juste en face de chez moi. D'abord, je le vois arriver qui lance une grande serviette orange vers une des branches de l'arbre, puis qui grimpe sac au dos et appareil photo à l'épaule. Il y a aussi tout un tas de couvertures et de couettes en bas de l'arbre. Je me dis, mais cet homme s'installe pour m'espionner. Soudain au sol apparait une espèce de film composé par les couvertures qui s'animent .. image par image..
Je me suis un peu cachée pour observer la scène quand l'histoire des couvertures est comme projetée juste à mes pieds, l'homme aussi est là dans l'encoignure de la porte.. Il ressemble à CV un réalisateur auquel je n'ai pas pensé depuis vingt ans au moins.. Il rigole et m'embrasse brusquement dans le cou, côté gauche. C'est finalement quand même assez tendre... Ce réalisateur m'avait un peu courtisée à l'époque, mais je n'avais pas pu, pas voulu parce qu'il y avait dans son physique quelque chose de trop nordique, une espèce de nez en trompette qui me gênait, il ressemblait à l'image que l'on se fait des elfes, je n'avais pas envie de cet elfe sautillant..
Le plaisir, la surprise de ce baiser m'a réveillée, je crois bien que j'ai poussé un petit cri...
Les rêves sont souvent bien sûr des échappées parfois burlesques de ce qui nous encombre l'esprit.
Quelle est donc l'origine de celui-ci.. ? Je pourrais sans faire de la mauvaise cuisine psychanalytique penser que d'abord il est troublant que je sois allée ainsi fouiller dans mes méandres mémorielles pour y extirper un réalisateur dont l’œuvre la plus connue s'appelle « la Discrète » et qu'en plus, j'y songe à l'instant dont les initiales sont les mêmes que les miennes (et veulent aussi signifier également curriculum vitae). Serais-je au fond ce réalisateur.. qui m'observe, on est forcément le seul auteur de sa vie.. Ferais-je preuve d'un peu trop d'introspection à mon égard ?
Et que peut signifier cette histoire de couvertures et de couettes s'agitant, menant la danse ? Me souviens également qu'à l'époque, j'avais tenté de négocier les droits de distribution pour des courts métrages d'un jeune anglais talentueux animant des vêtements..
Voyons un peu dans le dico du symbolique des rêves..
L'arbre représente le rêveur, la vision de soi.. Mon arbre je m'en souviens, était bien droit, feuillu, en forme. Quelqu'un y grimpe.. Voudrait-on s'attacher à moi ? L'idée des couvertures correspond dit-on à une aide amicale éventuelle, bon là ça danse et c'est coloré.. Le sens de ce film en lui même m'échappe, et pourtant si j'en suis la spectatrice rêveuse, j'en suis évidemment l'auteur aussi.
Il y a aussi ce baiser volé, le titre d'un film encore.. et cet appareil photo qui finalement n'a rien pris, capté (?) .. L'idée de l'homme de l'arbre semblait bien celle de venir m'espionner ou celle de se faire voir, ce n'est pas pareil. Finalement il a été comme télé-transporté chez moi directement lui et ses couvertures..
Et puis où sont passés l'appareil photo, le sac à dos, la serviette orange ? A propos de la serviette orange, j'en ai eu une dont j'aimais beaucoup la couleur et la texture mais une fois une amie me l'a emprunté puis l'a mise à sécher sur le rebord d'une fenêtre et le vent l'a emporté..
Apparemment, l'homme avait « déposé son sac à dos » au pied de mon arbre, à mes pieds ?? « Au pied de mon arbre, je vivais heureux.. ». Me rend compte que souvent dans mes rêves il y a une chanson.. cachée.. (voir l'histoire de comment j'ai failli perdre ma voiture à cause d'un ananas.. où là, c'était la chanson de la « Belle équipe » « ah ce qu'on est bien au bord de l'eau ». Amusant non ou est-ce mon esprit vagabond et quelque peu fantasque parfois qui me fait trouver ces chansons là où elles ne sont peut être pas..).
En conclusion, ce rêve signifierait-il que j'aurais en quelque sorte déposé mes bagages acceptant mon passé dans un surprenant et souriant baiser tendre que m'apportait la vie ?? Il semble quand même qu'il ne faudrait pas que je m'éloigne trop de mon arbre.. pour rester heureuse.. Mais où est cet arbre finalement.. ?
écrire...
Elle avait envie d'écrire, furieusement parfois, pourtant elle était loin de s'en donner les moyens. Elle était partagée entre deux sentiments, le sentiment de cette urgence là et une espèce de paralysie provoquée par la lecture de certains auteurs quand leur prose pouvait s'apparenter à la sienne. Alors, il lui apparaissait soudain, qu'ils disaient mieux les choses qu'elle, et en conséquence, elle se laissait aller à la facilité du renoncement. Elle aimait pourtant se confronter avec son histoire et s'essayer à la raconter. Non pas que son existence eut quelque chose de tellement signifiant ou d'extraordinaire qu'il faille absolument lui donner corps sur le papier. C'était envers et contre elle, contre la raison, il fallait qu'elle raconte, qu'elle écrive. Des fulgurances littéraires lui venaient souvent en tête. Elles ressemblaient à celles, qu'elle avait eu parfois avec la peinture aussi, comme si les couleurs ou les mots agencés décidaient presque à sa place que cette urgence là se devait d'être. Et d'ailleurs, si elle restait trop longtemps comme ça sans jeter sur le papier un peu d'elle, elle se sentait coupable de ne pas avoir obéit à ce débordement là. Et quand enfin, elle y allait avec le sentiment mêlé de son inconstance, elle savourait ce plaisir immense, douloureux parfois, de s'essayer à la manière la plus juste de dire, à la musique de l'écriture aussi.
En réalité, elle écrivait et lisait beaucoup depuis l'enfance. Sans doute était-ce un genre d'échappatoire et un refuge lui permettant de se rêver une autre existence.
Enfant, puis adolescente, son appétence à la lecture frisait parfois le ridicule, elle ne pouvait s'empêcher dans une boulimie presque compulsive, de se saisir de toutes brochures, emballages, journaux qui pouvait nourrir ce besoin là. Lycéenne, elle eut même une forme de rituel, presque un toc, quand elle rentrait de ses cours, elle s'enfermait dans les toilettes pour lire. Elle y trouvait refuge, enfin seule et tranquille parfois pendant plus d'une heure, pendant que ses frères et sœurs tambourinaient à la porte en s'énervant. C'est aussi là, étouffée par le poids de trop d'autorité où elle échafauda la possibilité de fugues, mille plans qu'elle abandonna apeurée à l'avance, de la trempe que lui filerait son père quand immanquablement elle finirait par être retrouvée.
En réalité, elle écrivait et lisait beaucoup depuis l'enfance. Sans doute était-ce un genre d'échappatoire et un refuge lui permettant de se rêver une autre existence.
Enfant, puis adolescente, son appétence à la lecture frisait parfois le ridicule, elle ne pouvait s'empêcher dans une boulimie presque compulsive, de se saisir de toutes brochures, emballages, journaux qui pouvait nourrir ce besoin là. Lycéenne, elle eut même une forme de rituel, presque un toc, quand elle rentrait de ses cours, elle s'enfermait dans les toilettes pour lire. Elle y trouvait refuge, enfin seule et tranquille parfois pendant plus d'une heure, pendant que ses frères et sœurs tambourinaient à la porte en s'énervant. C'est aussi là, étouffée par le poids de trop d'autorité où elle échafauda la possibilité de fugues, mille plans qu'elle abandonna apeurée à l'avance, de la trempe que lui filerait son père quand immanquablement elle finirait par être retrouvée.
georges perros, papiers collés..
Il est des écrivains, quand on prétend écrire à son tour, qui nous empêchent malgré eux de le faire. A les lire, on sait d'avance qu'on sera loin d'approcher l'évidence de leurs propos, la clarté et la justesse des choses dites. Leurs mots viennent alors comme cingler notre esprit. Cette vérité, ces constats, nous appartiennent, ils sont nôtres.
Alors parfois, il faut aller du côté de l'hommage, sans le côté grandiloquent de la chose. S'attacher à trouver une forme d'écriture laissant la part belle aux mots et aux images qu'elles supposent.
Alors parfois, il faut aller du côté de l'hommage, sans le côté grandiloquent de la chose. S'attacher à trouver une forme d'écriture laissant la part belle aux mots et aux images qu'elles supposent.
il pleut..
Voilà, il pleut... Il pleut sur Quimper, c'est moins joli qu'il pleut sur Nantes..
La lumière bleutée à laissé la place à une opacité blanchâtre.. L'automne est bien là et les grandes marées aussi. La mairie prévoyante a envoyé ses premières alertes inondations.. Plus haut, j'entends un petit tintamarre comme une drisse qui claquerait contre un mât dans la brise... Ce petit vacarme un peu entêtant, c'est mon baromètre à moi, je sais alors que là bas plus loin, le vent souffle sur la mer, que les vagues commencent à se faire courtes, hachées, que la houle plus tard s'imposera peu à peu, lourde, longue, avec dans la hauteur de ses crêtes la couleur acérée du bleu turquoise de ses déferlantes. On se dit qu'on est mieux à terre alors.
Je lis en ce moment un livre magnifique.. Un livre dont le cisaillement, le vocabulaire, la manière de dire m'éblouit, si je m'en délecte, en parallèle je sens en moi monter une certaine frustration, Hubert Haddad écrit comme j'aimerais avoir le talent de le faire. D'une certaine manière, il m'empêche du coup de le faire moi-même.. En réalité, c'est plus paradoxal parce que je devrais plutôt dire, il m'empêche et m'oblige. Empêchée et obligée, finalement on revient un peu à l'idée des vagues. Elles viennent et repartent comme quand on ose ou on n'ose pas. Elles sont parfois brouillonnes, échevelées, d'autres fois longues, imposantes ou contraires, leurs fulgurances voudraient s'imposer, quand elles sont empêchées dans le tourbillon de leurs propres contre-courants.
J'aimerais laisser mes vagues aller, les prendre a bras-le-corps comme on prend la mer, ou bien les laisser là à l'abandon du sable, à la rudesse du récif, parfois douces, parfois fortes dans la fragrance recommencée de leurs libres chevauchées.
Trop de beauté rend prisonnier de ses geôles, on a parfois besoin de délivrance.
Une métaphore d'un matin pluvieux et je comprends presque mieux pourquoi j'ai toujours tant aimé la mer.. Demain c'est sûr, j'irais la voir.
extraits de «géométrie d'un rêve » d'hubert haddad.
« Marche digestive dans les chemins creux tapissés de feuilles de l'arrière-pays. J'ai craint deux ou trois fois de voir mon chapeau voler sous la grenailles de chasseurs embusqués. L'ai farouche dans leur treillis de commandos, ces gens-là jouent à la guerre avec des bestioles pacifiques, ce qui les exempte d'exterminer la part honnie de leur voisinage. Un soleil d'une pâleur lunaire apposait une lumière de cathédrale sur les fondations éclaircies des trembles. Les sols détrempés exhalaient un parfum rare composé d'un subtil enfleurage de débris végétaux, de cryptogrammes et d'excréments de bêtes sauvages. Il y avait dans l'air une qualité de ressouvenir qui m'émut aux larmes. Qu'en saurait rapporter avec assez de précision le romancier repenti ? Un expert tel que Barbey d'Aurevilly s'y applique à ma place : « on était en octobre, cette saison mûre qui tombe dans la corbeille du temps comme une grappe d'or meurtrie par sa chute. »
… « Ar-Grill, Keraudren, Kerloch, Penfrat, Ty ar Guen..., les appellations des lieux-dits locaux imitent par une correspondance toute baudelairienne, la brutalité minérale des sites. J'aime ce paysage pourtant hostile, moi qui n'ai rien d'un marin ou d'un planteur d'artichauts. L'adversité élémentaire ne résiste pas à un bon feu de bois, même par temps de tempête : ça souffle si fort ce soir que les flammes rugissent. L'océan dans mon oreille n'est pas un acouphène. A mes pieds, une bouteille de whisky irlandais presque vide. »
La lumière bleutée à laissé la place à une opacité blanchâtre.. L'automne est bien là et les grandes marées aussi. La mairie prévoyante a envoyé ses premières alertes inondations.. Plus haut, j'entends un petit tintamarre comme une drisse qui claquerait contre un mât dans la brise... Ce petit vacarme un peu entêtant, c'est mon baromètre à moi, je sais alors que là bas plus loin, le vent souffle sur la mer, que les vagues commencent à se faire courtes, hachées, que la houle plus tard s'imposera peu à peu, lourde, longue, avec dans la hauteur de ses crêtes la couleur acérée du bleu turquoise de ses déferlantes. On se dit qu'on est mieux à terre alors.
Je lis en ce moment un livre magnifique.. Un livre dont le cisaillement, le vocabulaire, la manière de dire m'éblouit, si je m'en délecte, en parallèle je sens en moi monter une certaine frustration, Hubert Haddad écrit comme j'aimerais avoir le talent de le faire. D'une certaine manière, il m'empêche du coup de le faire moi-même.. En réalité, c'est plus paradoxal parce que je devrais plutôt dire, il m'empêche et m'oblige. Empêchée et obligée, finalement on revient un peu à l'idée des vagues. Elles viennent et repartent comme quand on ose ou on n'ose pas. Elles sont parfois brouillonnes, échevelées, d'autres fois longues, imposantes ou contraires, leurs fulgurances voudraient s'imposer, quand elles sont empêchées dans le tourbillon de leurs propres contre-courants.
J'aimerais laisser mes vagues aller, les prendre a bras-le-corps comme on prend la mer, ou bien les laisser là à l'abandon du sable, à la rudesse du récif, parfois douces, parfois fortes dans la fragrance recommencée de leurs libres chevauchées.
Trop de beauté rend prisonnier de ses geôles, on a parfois besoin de délivrance.
Une métaphore d'un matin pluvieux et je comprends presque mieux pourquoi j'ai toujours tant aimé la mer.. Demain c'est sûr, j'irais la voir.
extraits de «géométrie d'un rêve » d'hubert haddad.
« Marche digestive dans les chemins creux tapissés de feuilles de l'arrière-pays. J'ai craint deux ou trois fois de voir mon chapeau voler sous la grenailles de chasseurs embusqués. L'ai farouche dans leur treillis de commandos, ces gens-là jouent à la guerre avec des bestioles pacifiques, ce qui les exempte d'exterminer la part honnie de leur voisinage. Un soleil d'une pâleur lunaire apposait une lumière de cathédrale sur les fondations éclaircies des trembles. Les sols détrempés exhalaient un parfum rare composé d'un subtil enfleurage de débris végétaux, de cryptogrammes et d'excréments de bêtes sauvages. Il y avait dans l'air une qualité de ressouvenir qui m'émut aux larmes. Qu'en saurait rapporter avec assez de précision le romancier repenti ? Un expert tel que Barbey d'Aurevilly s'y applique à ma place : « on était en octobre, cette saison mûre qui tombe dans la corbeille du temps comme une grappe d'or meurtrie par sa chute. »
… « Ar-Grill, Keraudren, Kerloch, Penfrat, Ty ar Guen..., les appellations des lieux-dits locaux imitent par une correspondance toute baudelairienne, la brutalité minérale des sites. J'aime ce paysage pourtant hostile, moi qui n'ai rien d'un marin ou d'un planteur d'artichauts. L'adversité élémentaire ne résiste pas à un bon feu de bois, même par temps de tempête : ça souffle si fort ce soir que les flammes rugissent. L'océan dans mon oreille n'est pas un acouphène. A mes pieds, une bouteille de whisky irlandais presque vide. »
Le rêve d'icare
Depuis toute petite la fascination pour les avions ne m'a jamais quittée.. D'abord et évidemment je m'interrogeais sur cette possibilité là, celle de voler ou plutôt celle que ses engins là volent.. Parce que le vol des oiseaux lui, me semblait naturel, normal dans dans un ordre des choses intuitif..
Si cette interrogation là m'a quittée, j'en ai saisi la technicité, vitesse, portage induit, appui sur l'air..
Pourtant à leurs passages, je lève encore les yeux comme les enfants le font :« Avion avion !! » disent-ils en montrant l'engin, suivant la trajectoire de leurs menottes potelées.
Bien sûr le son qu'ils produisent change le regard qu'on leur porte.. On envie le petit zinc promeneur qui semble emprunter les chemins buissonniers du ciel, on imagine le joli paysage qui s'inscrit sous eux... Par contre, quand on habite sur les rivages, il arrive aussi que de lourds bombardiers survolent la côte à de basses altitudes. Mais alors on les entend avant que de les voir... C'est un son lourd qui immanquablement même si on ne l'a pas connue évoque la guerre... Et c'est paradoxal parce que certains ont, je dois dire, une certaine beauté, un peu lourds, arrondis, ils ont des formes qui rappellent les années cinquante. Il est arrivé plusieurs fois, notre maison du bord de mer, serait-elle un repère cartographique, qu'un de ces gros avions s'affiche soudainement sans prévenir si le vent venait de mer comme s'il allait s'abattre sur nous, semblant à quelques dizaines de mètres dans un sourd et puissant vrombissement à tel point que, surpris nous avions eu le réflexe de baisser la tête.
Je me souviens aussi des bangs des avions que l'on disait à réaction qui faisaient presque éclater les vitres et nos tympans, on nous avait dit qu'ils passaient sans qu'on en comprenne alors le pourquoi, le mur du son... une espèce de mur invisible..dans lequel l'avion se cognait..
C'est comme l'infini ça, l'imaginaire se heurte dubitatif à cette évidence scientifique proclamée..
Et puis il y avait les mirages toujours deux par deux... A peine vus déjà disparus... Ils portaient bien leurs noms ceux là.. On avait un peu peur pour eux, ils allaient tellement vite.. On se demandait comment ils faisaient quand les pilotes avaient la tête à l'envers..
Et puis j'adorais les planeurs, j'aurais voulu en faire même si d'office n'avoir pas de moteur m'aurait fait peur, qu'ils sont jolis ces engins volants là et puis quelle élégance que leur silence..
Bien sûr, il y eut les fusées dont on voyait juste des images et puis la marche sur la lune. Nous étions à l'ile Tudy sans télévision. Alors nous sommes descendus les enfants chez la bigoudène plus bas dans sa ferme.... Peut-être étions-nous un jeudi parce qu'elle faisait des crêpes pour le lendemain, jour maigre... Elle n'est pas venue regarder restant dans son arrière cuisine, nous disant avec son accent : « Mais tout ça, c'est des bêtises, des trucages.. » Et nous, dans l'odeur de galettes nous regardions fascinés les images sur l'écran noir et blanc.. Je lui en ai reparlé bien plus tard, elle a rigolé en tripotant sa coiffe.
Mon grand père avait installé une longue vue dans le grenier me souviens d'avoir souvent regardé la lune.. imaginant sans doute y repérer les cosmonautes..
Il y a aussi les hélicos en bord de mer qui inquiètent souvent.. Se serait-il passé un drame là devant ou plus au large, alors on regarde, on prend les jumelles pour vérifier, s'il est rouge, oui alors il y a peut-être eu naufrage, s'il est bleu on s'inquiète moins..
Mais quand je lève les yeux aujourd'hui je me demande parfois où vont ces avions qui laissent derrière eux leurs espèces de panache blanc parfois net, d'autres fois gracieusement ébouriffés. Quand j'y songe et que quelques amis sont là aussi, je m'amuse à les interroger et souvent ils se trompent sur la destination.. En effet, quand on est face à l'Atlantique on peut se laisser aller facilement à croire qu'en face c'est l'Amérique, mais suivant l'orientation du site, on peut être plein sud alors devant c'est plutôt l'Espagne.. Certains oublient que la terre est ronde.. et que pour aller de Paris à New York, la route la plus courte n'est évidemment pas la plus droite ou alors elle est courbe.. et passe bien au Nord..
J'avais d'ailleurs imaginé en pensant un peu naïvement que cela put être joli que les réacteurs plutôt que rejeter leurs petites fumées dans leurs tracés habituels pourraient, munis d'un inventif stratagème, afficher leurs destinations qui peu à peu seraient déformées, chamboulés, tourneboulés par les vents et tourbillons ambiants. On saurait alors où vont ces avions là haut.. J'ai sans doute imaginé un charmant Rio qui s'afficherait dans le bleu du ciel..
Mais sans doute vaut-il mieux laisser au ciel son infini, ses cumulo-nimbus, autres cirrus et stratus, ses couleurs, ses lumières et ses tourments, il y a déjà tellement d'emprunts faits à la nature..
Mais l'idée pour un imaginaire un peu fertile était séduisante....
Si cette interrogation là m'a quittée, j'en ai saisi la technicité, vitesse, portage induit, appui sur l'air..
Pourtant à leurs passages, je lève encore les yeux comme les enfants le font :« Avion avion !! » disent-ils en montrant l'engin, suivant la trajectoire de leurs menottes potelées.
Bien sûr le son qu'ils produisent change le regard qu'on leur porte.. On envie le petit zinc promeneur qui semble emprunter les chemins buissonniers du ciel, on imagine le joli paysage qui s'inscrit sous eux... Par contre, quand on habite sur les rivages, il arrive aussi que de lourds bombardiers survolent la côte à de basses altitudes. Mais alors on les entend avant que de les voir... C'est un son lourd qui immanquablement même si on ne l'a pas connue évoque la guerre... Et c'est paradoxal parce que certains ont, je dois dire, une certaine beauté, un peu lourds, arrondis, ils ont des formes qui rappellent les années cinquante. Il est arrivé plusieurs fois, notre maison du bord de mer, serait-elle un repère cartographique, qu'un de ces gros avions s'affiche soudainement sans prévenir si le vent venait de mer comme s'il allait s'abattre sur nous, semblant à quelques dizaines de mètres dans un sourd et puissant vrombissement à tel point que, surpris nous avions eu le réflexe de baisser la tête.
Je me souviens aussi des bangs des avions que l'on disait à réaction qui faisaient presque éclater les vitres et nos tympans, on nous avait dit qu'ils passaient sans qu'on en comprenne alors le pourquoi, le mur du son... une espèce de mur invisible..dans lequel l'avion se cognait..
C'est comme l'infini ça, l'imaginaire se heurte dubitatif à cette évidence scientifique proclamée..
Et puis il y avait les mirages toujours deux par deux... A peine vus déjà disparus... Ils portaient bien leurs noms ceux là.. On avait un peu peur pour eux, ils allaient tellement vite.. On se demandait comment ils faisaient quand les pilotes avaient la tête à l'envers..
Et puis j'adorais les planeurs, j'aurais voulu en faire même si d'office n'avoir pas de moteur m'aurait fait peur, qu'ils sont jolis ces engins volants là et puis quelle élégance que leur silence..
Bien sûr, il y eut les fusées dont on voyait juste des images et puis la marche sur la lune. Nous étions à l'ile Tudy sans télévision. Alors nous sommes descendus les enfants chez la bigoudène plus bas dans sa ferme.... Peut-être étions-nous un jeudi parce qu'elle faisait des crêpes pour le lendemain, jour maigre... Elle n'est pas venue regarder restant dans son arrière cuisine, nous disant avec son accent : « Mais tout ça, c'est des bêtises, des trucages.. » Et nous, dans l'odeur de galettes nous regardions fascinés les images sur l'écran noir et blanc.. Je lui en ai reparlé bien plus tard, elle a rigolé en tripotant sa coiffe.
Mon grand père avait installé une longue vue dans le grenier me souviens d'avoir souvent regardé la lune.. imaginant sans doute y repérer les cosmonautes..
Il y a aussi les hélicos en bord de mer qui inquiètent souvent.. Se serait-il passé un drame là devant ou plus au large, alors on regarde, on prend les jumelles pour vérifier, s'il est rouge, oui alors il y a peut-être eu naufrage, s'il est bleu on s'inquiète moins..
Mais quand je lève les yeux aujourd'hui je me demande parfois où vont ces avions qui laissent derrière eux leurs espèces de panache blanc parfois net, d'autres fois gracieusement ébouriffés. Quand j'y songe et que quelques amis sont là aussi, je m'amuse à les interroger et souvent ils se trompent sur la destination.. En effet, quand on est face à l'Atlantique on peut se laisser aller facilement à croire qu'en face c'est l'Amérique, mais suivant l'orientation du site, on peut être plein sud alors devant c'est plutôt l'Espagne.. Certains oublient que la terre est ronde.. et que pour aller de Paris à New York, la route la plus courte n'est évidemment pas la plus droite ou alors elle est courbe.. et passe bien au Nord..
J'avais d'ailleurs imaginé en pensant un peu naïvement que cela put être joli que les réacteurs plutôt que rejeter leurs petites fumées dans leurs tracés habituels pourraient, munis d'un inventif stratagème, afficher leurs destinations qui peu à peu seraient déformées, chamboulés, tourneboulés par les vents et tourbillons ambiants. On saurait alors où vont ces avions là haut.. J'ai sans doute imaginé un charmant Rio qui s'afficherait dans le bleu du ciel..
Mais sans doute vaut-il mieux laisser au ciel son infini, ses cumulo-nimbus, autres cirrus et stratus, ses couleurs, ses lumières et ses tourments, il y a déjà tellement d'emprunts faits à la nature..
Mais l'idée pour un imaginaire un peu fertile était séduisante....
Le coup de lune.
La tombée de la nuit et son humidité conséquente nous avait chassé de la jolie terrasse du café de la plage de l'ile tudy. Sur la route du retour vers Quimper la pleine lune forçait le regard à sa contemplation. Ce n'était pas comme parfois une lumière presque verte ou blafarde, non, sa lumière était diffuse, douce, quelques petits nuages éparpillés sur ses pourtours en opacifiaient sa lueur.
Les pleines lunes avaient toujours suscité chez elle fascination et énervement mêlées, fascination pour l'astre, pour cette pure beauté là, mêlé à l'imaginaire naturellement suggéré par l'incompréhensible infini du ciel, énervement quand certaines de ces lunes la laissaient offerte aux nuits blanches.
Elle se souvenait de cet été 1969 où ils allèrent ses frères et sœurs et elle, chez la fermière d'une maison voisine, voir les américains marcher sur la lune. Ils étaient fascinés par l'image un peu verdâtre de l'écran quand de son côté la bigoudène dans son arrière cuisine imperturbable, continuait à faire ses crêpes sans prêter un seul regard à l'évènement.
La navigation virtuelle à laquelle elle se prêtait depuis quelques temps réveillait chez elle les souvenirs de ses échappées maritimes. La pleine lune aidant, elle se souvint d'une nuit particulière. C'était lors de la transat en double en 1979, elle y participait avec une autre. Elles étaient très différentes dans leur appréhension du monde, de l'autre en général... L'autre forte, décidée, quand elle était plus douce, plus poète à sa manière... L'anecdote est amusante, un jour nostalgique sans doute des plaisirs terrestres, elle dit à sa coéquipière : « C'est drôle, on est parties à l'époque des fraises et des cerises et on va revenir au moment des pêches et des abricots ». L'autre alors la regarda interloquée, rétorquant : « Je ne sais pas comment tu fais pour penser à des choses pareilles ».
Bref.
Elle était de quart, c'était la nuit, une nuit de pleine lune. Elles barraient chacune à leur tour toutes les deux heures... Sans doute devaient-elles se trouver alors au milieu de l'Atlantique. Le voilier filait bien dans la nuit, bon plein. Barre franche à la main, elle accompagnait le mouvement du bateau, montant dans la vague puis redescendant doucement dans sa légère pente.
Tous feux éteints, seul le compas éclairait le cockpit..
La lumière forte de la lune venait la frapper au visage. Au début, elle en fut juste comme éblouie. Assez vite, elle eut comme la prescience qu'il fallait qu'elle se protège de cette lueur blanche, froide. Mais l'allure et le cap suivis l'empêchaient de pouvoir s'abriter sous l'ombre de la grand voile, la lune au contraire en épousait sa chute. Il lui sembla tout d'un coup tout à fait surréaliste d'être là, seule au milieu de l'océan avec pour seul guide cette petite boule de lumière chiffrée et mouvante. Elle imagina au contraire qu'elle se trouvait sur une espèce de route dont elle percevait pratiquement les contours là devant dans la petite houle d'un bleu profond. Cette pensée la troubla, elle eu peur d'avoir reçu un coup de lune.. Sans doute aussi cet inconfort qui l'avait prise rajoutait-il encore à sa sensation. Mais elle était en course, alors elle poursuivit son quart jusqu'au bout, nerveuse. Au changement de quart elle n'en dit rien à sa comparse d'aventure. Elle n'aurait de toute évidence rien compris encore une fois à la chose.
Cette nuit là et elle ne le sut que plus tard, ce fut leur voilier qui fit le plus grand nombre de milles de tous les engagés de la course. Sans doute plus que les effets de lune, leur position seule dans l'atlantique leur avait permit d'avoir des vents plus favorables..
Les pleines lunes avaient toujours suscité chez elle fascination et énervement mêlées, fascination pour l'astre, pour cette pure beauté là, mêlé à l'imaginaire naturellement suggéré par l'incompréhensible infini du ciel, énervement quand certaines de ces lunes la laissaient offerte aux nuits blanches.
Elle se souvenait de cet été 1969 où ils allèrent ses frères et sœurs et elle, chez la fermière d'une maison voisine, voir les américains marcher sur la lune. Ils étaient fascinés par l'image un peu verdâtre de l'écran quand de son côté la bigoudène dans son arrière cuisine imperturbable, continuait à faire ses crêpes sans prêter un seul regard à l'évènement.
La navigation virtuelle à laquelle elle se prêtait depuis quelques temps réveillait chez elle les souvenirs de ses échappées maritimes. La pleine lune aidant, elle se souvint d'une nuit particulière. C'était lors de la transat en double en 1979, elle y participait avec une autre. Elles étaient très différentes dans leur appréhension du monde, de l'autre en général... L'autre forte, décidée, quand elle était plus douce, plus poète à sa manière... L'anecdote est amusante, un jour nostalgique sans doute des plaisirs terrestres, elle dit à sa coéquipière : « C'est drôle, on est parties à l'époque des fraises et des cerises et on va revenir au moment des pêches et des abricots ». L'autre alors la regarda interloquée, rétorquant : « Je ne sais pas comment tu fais pour penser à des choses pareilles ».
Bref.
Elle était de quart, c'était la nuit, une nuit de pleine lune. Elles barraient chacune à leur tour toutes les deux heures... Sans doute devaient-elles se trouver alors au milieu de l'Atlantique. Le voilier filait bien dans la nuit, bon plein. Barre franche à la main, elle accompagnait le mouvement du bateau, montant dans la vague puis redescendant doucement dans sa légère pente.
Tous feux éteints, seul le compas éclairait le cockpit..
La lumière forte de la lune venait la frapper au visage. Au début, elle en fut juste comme éblouie. Assez vite, elle eut comme la prescience qu'il fallait qu'elle se protège de cette lueur blanche, froide. Mais l'allure et le cap suivis l'empêchaient de pouvoir s'abriter sous l'ombre de la grand voile, la lune au contraire en épousait sa chute. Il lui sembla tout d'un coup tout à fait surréaliste d'être là, seule au milieu de l'océan avec pour seul guide cette petite boule de lumière chiffrée et mouvante. Elle imagina au contraire qu'elle se trouvait sur une espèce de route dont elle percevait pratiquement les contours là devant dans la petite houle d'un bleu profond. Cette pensée la troubla, elle eu peur d'avoir reçu un coup de lune.. Sans doute aussi cet inconfort qui l'avait prise rajoutait-il encore à sa sensation. Mais elle était en course, alors elle poursuivit son quart jusqu'au bout, nerveuse. Au changement de quart elle n'en dit rien à sa comparse d'aventure. Elle n'aurait de toute évidence rien compris encore une fois à la chose.
Cette nuit là et elle ne le sut que plus tard, ce fut leur voilier qui fit le plus grand nombre de milles de tous les engagés de la course. Sans doute plus que les effets de lune, leur position seule dans l'atlantique leur avait permit d'avoir des vents plus favorables..
Lord Hooligan
En réalité on ne peut pas dire que je le connaissais. J'avais joué en tout et pour tout une seule partie de backgammon contre lui, comme son pseudo pouvait le laisser suggérer, il était anglais.. Lord Hooligan....
J'étais débutante sur ce site quand un jour là au sein d'un chat, je vis que celui-ci charriait les français, je ne suis pas franchement nationaliste mais j'eus envie d'en savoir plus sur ce personnage là qui persiflait... Je lui envoyais un court message puis l'invitais à faire une partie. Il fut charmant quoiqu'un peu distant comme peuvent l'être parfois les sujets de sa majesté.. Il m'avoua évidemment qu'il plaisantait, qu'il aimait ironiser sur les ennemis héréditaires de la grande île. Je ne me souviens plus lequel d'entre nous gagna la partie..d'ailleurs ça n'a pas d'importance, sans doute et surement fut-ce lui..
Je n'osais pas le réinviter, il faisait partie des meilleurs joueurs, très présent sur le site et surement très sollicité, mais souvent ses répliques sur le chat des prémiums dont la lecture seule m'était autorisée, m'amusait.. J'étais spectatrice de ses tirades, de cette sympathie, de cet humour affiché par de courtes phrases en anglais, français ou turc.. Il était polyglotte.. Je n'étais pas obsédée par lui, mais il était là comme un personnage haut en couleur dans une pièce où je n'étais que simple spectatrice. J'aurais pu sans doute faire davantage connaissance mais je ne le fis pas. C'était comme ça et c'était bien..
Et puis là sur ce même chat, un jour, je compris que quelqu'un était mort, les quatre personnes qui échangeaient entre elles étaient consternées, n'y croyaient pas, impossible semblaient-elles penser... Ils disaient aussi en parlant d'une jeune femme quelle détresse pour elle, comment va-t-elle faire, orpheline si tôt.. Non ce n'est pas vrai disait l'un, quand un autre rajoutait sa mère partie il y à peine un an..
Je n'en su pas plus ce jour là et ne cherchais d'ailleurs pas en savoir davantage, je n'ai pas d'appétit particulier pour le morbide... Je ne faisais qu'un passage rapide sur le site, une petite partie c'est tout.. je devais quitter le jeu, partir et j'oubliais..
Trois jours plus tard, j'avais reçu un message.......
« Il y a quelques jours nous avons appris le décès de Lord-Hooligan. Geoff était un grand ami de NetGammon et il n'avait que des amis ici. Il était un gentilhomme même si son pseudonyme pouvait laisser croire le contraire. Nous le regretterons beaucoup. »
Le message rajoutait qu'en hommage un tournoi porterait désormais l'intitulé de son pseudonyme.
Cette disparition soudaine m'a choquée.. je dois dire que j'y ai pensé pendant quelques jours et aussi la nuit, la pleine lune et ses insomnies liées m'ont sans doute aidée à y songer plus que je ne l'aurais cru.. Je m'interrogeais légitimement mais d'où vient cette peine pour quelqu'un que l'on ne connait pas, pour un personnage quasiment virtuel.. Sans doute ma peine non feinte quoique distanciée était-elle un mélange de divers sentiments, le regret de ne pas être aller voir de plus près qui était ce Geoffroy. Je pensais forcément sans même avoir la conscience de me le formuler moi-même avoir le temps un jour de le faire.. Il n'y avait pas d'urgence. En réfléchissant, je me dis qu'il y avait aussi et sans doute une espèce de telle dichotomie entre le jeu et la mort. J'allais sur l'historique de ses parties, il jouait encore le 23 mai.. Sa dernière partie avait eu lieu contre un « eagle » et il avait perdu. Une partie de sa vie s'affichait comme ça en ligne verte ou rouge suivant ses victoires ou ses défaites..et puis cet historique allait rester sur le site ad vitam eternam un peu comme celui de Gaston sur sa boite aux lettres (voir plus bas)..
Voilà un jour on est vivant on joue, l'autre jour on est mort on ne joue plus.. dans le sens propre comme au figuré. Là c'était clair, affiché, l'historique de Geoffroy serait figé à jamais... Game over..
Je sais bien qu'au fond c'était ça qui se jouait pour le coup là dans mes pensées la disparition subite, soudaine du jour au lendemain. Encore plus particulière là parce qu'une existence virtuelle pour moi devenait presque réelle pour le coup. Étrange paradoxe.
Vers l'âge de huit ans, j'avais eu du mal à synthétiser l'idée que ma personne, ma pensée m'étaient propres. Je m'observais dans un miroir souvent, me disant, m'interrogeant ça là.. c'est moi ? J'existe, je peux décider de mes actes, c'est moi qui pense là ? Il avait fallu que je décide d'aller vérifier.. Je rêvais comme beaucoup de petites filles d'être danseuse. J'allais souvent acheter les baguettes du jour. J'avais remarqué qu'il y avait un miroir attenant à la boulangerie, alors je décidais de courir et de faire un entrechat quand j'arriverais à la hauteur du miroir, ce que je fis, mon image alors singulière au sein de gens marchant tranquillement, cet entrechat reflété et furtif fut pour moi le constat de ma propre existence, j'avais décidé d'un acte, je m'étais vu l'accomplir, je n'avais pas fait comme les autres alors j'étais, je suis, j'existe bien.. C'était mon « je pense donc je suis » à moi..
Tout ça pour dire que bien sûr ce qui est troublant dans l'idée d'une disparition, c'est évidemment l'idée de la disparition de sa pensée, surtout lors d'une mort brutale qui éteint la flamme d'un coup comme le ferait un souffle mauvais.. Un jour on pense, le lendemain on ne pense plus. On est plus.
Il m'est même arrivé lors de stupeurs admiratives du paysage qui s'affichait à mes yeux alors de jalouser un galet posé haut sur la plage et qui pourrait prétendre lui à un peu d'éternité dès lors qu'avec un peu de chance les grandes marées ne le rejoindrait plus.
Mais par ces jolies journées printanières ne pensons pas à ce triste présage ou plutôt si mais alors pour ne pas oublier de vivre sa vie.
Et Sir Geoffroy croyez puisque j'ai la chance de penser encore que vous nous manquerez soyez en sur.....So long..
J'étais débutante sur ce site quand un jour là au sein d'un chat, je vis que celui-ci charriait les français, je ne suis pas franchement nationaliste mais j'eus envie d'en savoir plus sur ce personnage là qui persiflait... Je lui envoyais un court message puis l'invitais à faire une partie. Il fut charmant quoiqu'un peu distant comme peuvent l'être parfois les sujets de sa majesté.. Il m'avoua évidemment qu'il plaisantait, qu'il aimait ironiser sur les ennemis héréditaires de la grande île. Je ne me souviens plus lequel d'entre nous gagna la partie..d'ailleurs ça n'a pas d'importance, sans doute et surement fut-ce lui..
Je n'osais pas le réinviter, il faisait partie des meilleurs joueurs, très présent sur le site et surement très sollicité, mais souvent ses répliques sur le chat des prémiums dont la lecture seule m'était autorisée, m'amusait.. J'étais spectatrice de ses tirades, de cette sympathie, de cet humour affiché par de courtes phrases en anglais, français ou turc.. Il était polyglotte.. Je n'étais pas obsédée par lui, mais il était là comme un personnage haut en couleur dans une pièce où je n'étais que simple spectatrice. J'aurais pu sans doute faire davantage connaissance mais je ne le fis pas. C'était comme ça et c'était bien..
Et puis là sur ce même chat, un jour, je compris que quelqu'un était mort, les quatre personnes qui échangeaient entre elles étaient consternées, n'y croyaient pas, impossible semblaient-elles penser... Ils disaient aussi en parlant d'une jeune femme quelle détresse pour elle, comment va-t-elle faire, orpheline si tôt.. Non ce n'est pas vrai disait l'un, quand un autre rajoutait sa mère partie il y à peine un an..
Je n'en su pas plus ce jour là et ne cherchais d'ailleurs pas en savoir davantage, je n'ai pas d'appétit particulier pour le morbide... Je ne faisais qu'un passage rapide sur le site, une petite partie c'est tout.. je devais quitter le jeu, partir et j'oubliais..
Trois jours plus tard, j'avais reçu un message.......
« Il y a quelques jours nous avons appris le décès de Lord-Hooligan. Geoff était un grand ami de NetGammon et il n'avait que des amis ici. Il était un gentilhomme même si son pseudonyme pouvait laisser croire le contraire. Nous le regretterons beaucoup. »
Le message rajoutait qu'en hommage un tournoi porterait désormais l'intitulé de son pseudonyme.
Cette disparition soudaine m'a choquée.. je dois dire que j'y ai pensé pendant quelques jours et aussi la nuit, la pleine lune et ses insomnies liées m'ont sans doute aidée à y songer plus que je ne l'aurais cru.. Je m'interrogeais légitimement mais d'où vient cette peine pour quelqu'un que l'on ne connait pas, pour un personnage quasiment virtuel.. Sans doute ma peine non feinte quoique distanciée était-elle un mélange de divers sentiments, le regret de ne pas être aller voir de plus près qui était ce Geoffroy. Je pensais forcément sans même avoir la conscience de me le formuler moi-même avoir le temps un jour de le faire.. Il n'y avait pas d'urgence. En réfléchissant, je me dis qu'il y avait aussi et sans doute une espèce de telle dichotomie entre le jeu et la mort. J'allais sur l'historique de ses parties, il jouait encore le 23 mai.. Sa dernière partie avait eu lieu contre un « eagle » et il avait perdu. Une partie de sa vie s'affichait comme ça en ligne verte ou rouge suivant ses victoires ou ses défaites..et puis cet historique allait rester sur le site ad vitam eternam un peu comme celui de Gaston sur sa boite aux lettres (voir plus bas)..
Voilà un jour on est vivant on joue, l'autre jour on est mort on ne joue plus.. dans le sens propre comme au figuré. Là c'était clair, affiché, l'historique de Geoffroy serait figé à jamais... Game over..
Je sais bien qu'au fond c'était ça qui se jouait pour le coup là dans mes pensées la disparition subite, soudaine du jour au lendemain. Encore plus particulière là parce qu'une existence virtuelle pour moi devenait presque réelle pour le coup. Étrange paradoxe.
Vers l'âge de huit ans, j'avais eu du mal à synthétiser l'idée que ma personne, ma pensée m'étaient propres. Je m'observais dans un miroir souvent, me disant, m'interrogeant ça là.. c'est moi ? J'existe, je peux décider de mes actes, c'est moi qui pense là ? Il avait fallu que je décide d'aller vérifier.. Je rêvais comme beaucoup de petites filles d'être danseuse. J'allais souvent acheter les baguettes du jour. J'avais remarqué qu'il y avait un miroir attenant à la boulangerie, alors je décidais de courir et de faire un entrechat quand j'arriverais à la hauteur du miroir, ce que je fis, mon image alors singulière au sein de gens marchant tranquillement, cet entrechat reflété et furtif fut pour moi le constat de ma propre existence, j'avais décidé d'un acte, je m'étais vu l'accomplir, je n'avais pas fait comme les autres alors j'étais, je suis, j'existe bien.. C'était mon « je pense donc je suis » à moi..
Tout ça pour dire que bien sûr ce qui est troublant dans l'idée d'une disparition, c'est évidemment l'idée de la disparition de sa pensée, surtout lors d'une mort brutale qui éteint la flamme d'un coup comme le ferait un souffle mauvais.. Un jour on pense, le lendemain on ne pense plus. On est plus.
Il m'est même arrivé lors de stupeurs admiratives du paysage qui s'affichait à mes yeux alors de jalouser un galet posé haut sur la plage et qui pourrait prétendre lui à un peu d'éternité dès lors qu'avec un peu de chance les grandes marées ne le rejoindrait plus.
Mais par ces jolies journées printanières ne pensons pas à ce triste présage ou plutôt si mais alors pour ne pas oublier de vivre sa vie.
Et Sir Geoffroy croyez puisque j'ai la chance de penser encore que vous nous manquerez soyez en sur.....So long..
questionnements intimes.
Elle vivait sa vie comme on dit depuis déjà un peu longtemps. On l'envisageait souvent comme fantasque, perdue dans des rêveries. C'est vrai qu'elle avait l'imaginaire fourni. Le constat souvent déçu de son rapport à l'autre avait fini par lui faire préférer sa solitude aux convenances et paroles vaines.
Elle n'avait rien contre l'humain non, seulement elle en avait toujours attendu trop. Elle cherchait la profondeur quand le plus souvent on lui opposait des monologues. Quand elle essayait de montrer un peu de ce qu'elle faisait, de ce qu'elle était, souvent l'autre ne s'attardait pas, n'essayait pas de voir, comme s'il y avait, elle y avait réfléchi quelque chose de trop puéril dans ses propositions dans lesquels l'autre ne trouvait pas sa place, l'apparente simplicité affichée, ce regard sensible et discret sur le monde n'intéressait pas l'autre. Elle en était souvent blessée, pourtant elle continuait parce qu'au fond elle ne pouvait s'empêcher. Elle savait qu'elle ne réaliserait pas de chef-d'œuvre, tels qu'on les entend, à moins qu'un jour elle ne se laisse posséder par une flamme si forte qui comme une déferlante l'emmènerait loin ses doutes alanguis, noyés sur le récif de ses craintes.
Cela fait quelques jours, disons quelques mois pour être honnête que ça lui traînait dans la tête... Bien sûr, elle aime John, elle lui a donné droit à une existence fictionnelle, (personnage principal d'un roman en cours) mais parfois aussi elle écrivait autrement.
Ce matin encore, elle se dit encore parce que d'autres l'ont et continueront de la chatouiller dans cette incertitude là, elle le sait d'avance, donc, une jumelle, une née le même jour, est venue encore une fois et malgré elle, la conforter dans cet inconfort là... dans ce questionnement de l'écriture.
Parce que c'est vrai, c'est bien de raconter une histoire... mais parfois, plus que l'histoire on a envie de mots moins dérisoires, évidemment il y a des grands qui ont su conjuguer le récit et le questionnement intérieur, d'autres, poètes magnifiques en trois ou quatre mots en trouver la quintessence.
Cette autre, c'est Chloé Delaurme dans le premier livre qu'elle lit d'elle, à propos d'un jumeau, d'elles, nés tous trois le dix mars, Boris Vian.
« Les juins ont tous la même peau »...
Elle dit en substance qu'enfin grâce à lui, elle a compris qu'écrire avait un sens, que c'était son premier, comme un dépucelage littéraire, un enfin, un amant, un amour, un frère perdu d'avance puisque déjà mort. Et elle sait dire cette nécessité d'écrire, très bien le dire. Elle a aussi le sens des formules, pas à l'emporte pièce... « De Boris Vian rien d'important aujourd'hui cinquante-trois an après. Je regarde aujourd'hui s'affairer les faiseurs, les poètes ratés, labellisés maudits par auto-proclamation, les piètres écrivaillons à l'égo tubercule. Ils tentent de se construire à renforts d'inventions, de torsions d'un passé aux peintures encore fraîches, une mythologie propre, s'imaginant bien sûr qu'une légende bien ourlée valide leur existence et porte haut leur plume. Alors que ce n'est pas là que ça peut se passer. Se passer, passage, passation. Ce n'est pas aux méandres de la biographie que se joue la littérature. Parce qu'elle n'a pas besoin des hommes, qu'elle les traverse sans s'attarder. Qu'au commencement était le Verbe alors que personne n'était là et qu'à la fin ce sera pareil. Pareil, exactement comme ça... »
C'est toujours difficile de choisir un extrait pour donner envie...
Disons pour résumer que Chloé Delaurme ne pourrait sans doute pas vivre sans écrire.
Tout ça pour dire quoi, pour dire un peu que parfois dans la fiction on qu'elle n'y trouve pas son compte, que les mots pour dire le moi, l'intime, le vrai, le profond n'y sont pas vraiment. Que parfois elle a envie de capitulation. Et puis aussi, que la question sous-sous-jacente, fondamentale et évidente, est de quoi est constituée cette envie, ce besoin d'écrire. On n'est pas dupes, les mots ne se jettent pas sur le papier en toute innocence. Écrire c'est donner de soi, de son soi, en espérant que ce ne soit pas trop en pâture, c'est essayer de ne pas être imposture, ni posture, c'est un mélange fulgurant qui nous prend, nous habite et qu'il faut parfois coûte que coûte accoucher comme en urgence sur la page. C'est un acte à la fois réfléchi et presque aléatoire. Une osmose entre les mots, soi et sa pensée.
Il y a évidemment la question aussi du lecteur... A laisser ainsi des mots comme dans une espèce d'errance un peu solitaire, on ne sait pas qui vous lit, on a parfois des commentaires mais on ne sait pas non plus vraiment quoi en faire, quoi en penser... on est rarement dupe de soi même...
Elle n'avait rien contre l'humain non, seulement elle en avait toujours attendu trop. Elle cherchait la profondeur quand le plus souvent on lui opposait des monologues. Quand elle essayait de montrer un peu de ce qu'elle faisait, de ce qu'elle était, souvent l'autre ne s'attardait pas, n'essayait pas de voir, comme s'il y avait, elle y avait réfléchi quelque chose de trop puéril dans ses propositions dans lesquels l'autre ne trouvait pas sa place, l'apparente simplicité affichée, ce regard sensible et discret sur le monde n'intéressait pas l'autre. Elle en était souvent blessée, pourtant elle continuait parce qu'au fond elle ne pouvait s'empêcher. Elle savait qu'elle ne réaliserait pas de chef-d'œuvre, tels qu'on les entend, à moins qu'un jour elle ne se laisse posséder par une flamme si forte qui comme une déferlante l'emmènerait loin ses doutes alanguis, noyés sur le récif de ses craintes.
Cela fait quelques jours, disons quelques mois pour être honnête que ça lui traînait dans la tête... Bien sûr, elle aime John, elle lui a donné droit à une existence fictionnelle, (personnage principal d'un roman en cours) mais parfois aussi elle écrivait autrement.
Ce matin encore, elle se dit encore parce que d'autres l'ont et continueront de la chatouiller dans cette incertitude là, elle le sait d'avance, donc, une jumelle, une née le même jour, est venue encore une fois et malgré elle, la conforter dans cet inconfort là... dans ce questionnement de l'écriture.
Parce que c'est vrai, c'est bien de raconter une histoire... mais parfois, plus que l'histoire on a envie de mots moins dérisoires, évidemment il y a des grands qui ont su conjuguer le récit et le questionnement intérieur, d'autres, poètes magnifiques en trois ou quatre mots en trouver la quintessence.
Cette autre, c'est Chloé Delaurme dans le premier livre qu'elle lit d'elle, à propos d'un jumeau, d'elles, nés tous trois le dix mars, Boris Vian.
« Les juins ont tous la même peau »...
Elle dit en substance qu'enfin grâce à lui, elle a compris qu'écrire avait un sens, que c'était son premier, comme un dépucelage littéraire, un enfin, un amant, un amour, un frère perdu d'avance puisque déjà mort. Et elle sait dire cette nécessité d'écrire, très bien le dire. Elle a aussi le sens des formules, pas à l'emporte pièce... « De Boris Vian rien d'important aujourd'hui cinquante-trois an après. Je regarde aujourd'hui s'affairer les faiseurs, les poètes ratés, labellisés maudits par auto-proclamation, les piètres écrivaillons à l'égo tubercule. Ils tentent de se construire à renforts d'inventions, de torsions d'un passé aux peintures encore fraîches, une mythologie propre, s'imaginant bien sûr qu'une légende bien ourlée valide leur existence et porte haut leur plume. Alors que ce n'est pas là que ça peut se passer. Se passer, passage, passation. Ce n'est pas aux méandres de la biographie que se joue la littérature. Parce qu'elle n'a pas besoin des hommes, qu'elle les traverse sans s'attarder. Qu'au commencement était le Verbe alors que personne n'était là et qu'à la fin ce sera pareil. Pareil, exactement comme ça... »
C'est toujours difficile de choisir un extrait pour donner envie...
Disons pour résumer que Chloé Delaurme ne pourrait sans doute pas vivre sans écrire.
Tout ça pour dire quoi, pour dire un peu que parfois dans la fiction on qu'elle n'y trouve pas son compte, que les mots pour dire le moi, l'intime, le vrai, le profond n'y sont pas vraiment. Que parfois elle a envie de capitulation. Et puis aussi, que la question sous-sous-jacente, fondamentale et évidente, est de quoi est constituée cette envie, ce besoin d'écrire. On n'est pas dupes, les mots ne se jettent pas sur le papier en toute innocence. Écrire c'est donner de soi, de son soi, en espérant que ce ne soit pas trop en pâture, c'est essayer de ne pas être imposture, ni posture, c'est un mélange fulgurant qui nous prend, nous habite et qu'il faut parfois coûte que coûte accoucher comme en urgence sur la page. C'est un acte à la fois réfléchi et presque aléatoire. Une osmose entre les mots, soi et sa pensée.
Il y a évidemment la question aussi du lecteur... A laisser ainsi des mots comme dans une espèce d'errance un peu solitaire, on ne sait pas qui vous lit, on a parfois des commentaires mais on ne sait pas non plus vraiment quoi en faire, quoi en penser... on est rarement dupe de soi même...
le petit monsieur.
Le petit monsieur était mon voisin. Je le croisais parfois dans l'escalier qu'il montait, descendait avec précaution. L'étroitesse de nos paliers respectifs faisait se frôler nos épaules. Je le saluais chaque fois, jamais il n'a répondu, ne m'a regardé. Peut-être ne m'a-t-il pas entendu, j'ai la voix discrète.
Un dimanche matin, alors que je lisais dans mon bain, j'ai cru entendre sonner chez moi, je n'étais pas sûre, nos portes se touchant presque, ill était possible que le coup de sonnette fut pour lui. Je n'attendais aucune visite particulière et ne voulais pas troubler ce moment de quiétude. Je continuais ma lecture. Mais je fus assez vite dérangée par des bruits de va-et-vient, ça sonnait, ça rentrait, sortait.Bruits de portes.
J'ai pensé à travers ma lecture que sans doute, il devait déménager.
Après une petite demi-heure de farniente dans l'eau chaude, j'ai ouvert discrètement ma porte d'entrée. L'appartement de mon petit voisin s'ouvrait sur un couloir vide, une espèce de néant, un corridor triste, pas une image, rien n'attirant le regard.
J'ai continué à vaquer à mes occupations dominicales quand je ne sais pas pourquoi, mon regard a été attiré au dehors. Là en juste en bas, en double file, une espèce d'ambulance noire à l'intitulé funèbre. Alors j'ai compris.
Pendant que je profitais de la sensualité et de la douceur d'un bain chaud, un homme venait de mourir, là, à côté. Cet homme qui semblait seul, doux mais distant, cet homme était mort.Alors qu'un peu plus tard, je descendais faire ma petite balade du dimanche, je croisais dans l'escalier un homme portant sur le bras, un costume et un béret. Mon petit voisin était toujours coiffé d'un béret. Le temps de prendre ma bicyclette dans le réduit destiné à cet effet, deux hommes descendaient un brancard sur lequel une espèce de poche transparente laissait deviner un corps. C'était lui.
Cette indécence des hommes des pompes funèbres. Comment ne pas penser à protéger davantage le corps de cet homme, ne pas préjuger de la pudeur des hommes dans la mort. Pour les laisser passer je me rangeais moi et ma bicyclette. J'étais sans voix. Sur le trottoir d'en face deux jeunes filles assises tranquilles sur un banc mangeaient un Kebab en devisant. J'ai vu alors leurs visages perdre brusquement l'insouciance du moment.
Les deux hommes installèrent leur brancard dans la triste voiture. Pendant quelques semaines, quelques mois même, l'appartement voisin resta calme. J'appris plus tard, que le petit monsieur avait perdu sa femme dans un accident de voiture, voiture qu'il conduisait. Depuis il allait mal, ne parlait plus à personne. Je me suis demandé combien de temps le petit monsieur continuerait d'exister sur sa boite aux lettres.
Gaston exista deux mois encore.
Un dimanche matin, alors que je lisais dans mon bain, j'ai cru entendre sonner chez moi, je n'étais pas sûre, nos portes se touchant presque, ill était possible que le coup de sonnette fut pour lui. Je n'attendais aucune visite particulière et ne voulais pas troubler ce moment de quiétude. Je continuais ma lecture. Mais je fus assez vite dérangée par des bruits de va-et-vient, ça sonnait, ça rentrait, sortait.Bruits de portes.
J'ai pensé à travers ma lecture que sans doute, il devait déménager.
Après une petite demi-heure de farniente dans l'eau chaude, j'ai ouvert discrètement ma porte d'entrée. L'appartement de mon petit voisin s'ouvrait sur un couloir vide, une espèce de néant, un corridor triste, pas une image, rien n'attirant le regard.
J'ai continué à vaquer à mes occupations dominicales quand je ne sais pas pourquoi, mon regard a été attiré au dehors. Là en juste en bas, en double file, une espèce d'ambulance noire à l'intitulé funèbre. Alors j'ai compris.
Pendant que je profitais de la sensualité et de la douceur d'un bain chaud, un homme venait de mourir, là, à côté. Cet homme qui semblait seul, doux mais distant, cet homme était mort.Alors qu'un peu plus tard, je descendais faire ma petite balade du dimanche, je croisais dans l'escalier un homme portant sur le bras, un costume et un béret. Mon petit voisin était toujours coiffé d'un béret. Le temps de prendre ma bicyclette dans le réduit destiné à cet effet, deux hommes descendaient un brancard sur lequel une espèce de poche transparente laissait deviner un corps. C'était lui.
Cette indécence des hommes des pompes funèbres. Comment ne pas penser à protéger davantage le corps de cet homme, ne pas préjuger de la pudeur des hommes dans la mort. Pour les laisser passer je me rangeais moi et ma bicyclette. J'étais sans voix. Sur le trottoir d'en face deux jeunes filles assises tranquilles sur un banc mangeaient un Kebab en devisant. J'ai vu alors leurs visages perdre brusquement l'insouciance du moment.
Les deux hommes installèrent leur brancard dans la triste voiture. Pendant quelques semaines, quelques mois même, l'appartement voisin resta calme. J'appris plus tard, que le petit monsieur avait perdu sa femme dans un accident de voiture, voiture qu'il conduisait. Depuis il allait mal, ne parlait plus à personne. Je me suis demandé combien de temps le petit monsieur continuerait d'exister sur sa boite aux lettres.
Gaston exista deux mois encore.
presqu'île du bout du monde..
Posée sur le perron des marches d'une petite maison bretonne à deux pas de la Pointe du Raz, je savoure ca petit matin. Un soleil déjà tiède réchauffe ma joue gauche tandis qu'un vent d'Est vient chasser les nuages moutonnés vers l'Ouest. De petites rafales bousculent le lilas aux fleurs déjà éteintes, rouillées. Le ciel obscur d'un gris lourd orageux d'un côté affiche dans son autre moitié de longs filaments blancs hachurant le bleu. Quelques hirondelles se poursuivent amusées. Un coq se mêle de la partie au milieu d'une joyeuse cacophonie de cuicuis en tous genres. C'est toujours bon à vivre de tels matins, j'aime cette plénitude.
C'est quand on est encore aptes à savourer de tels moments qu'on se sent vivre encore.La météo s'est encore trompée qui prévoyait comme souvent à son habitude pluie sur la Bretagne. Il fera bon tout à l'heure de prendre les petits sentiers côtiers qui courent au dessus de la mer.Il faudra sans doute tailler le lilas à sa base pour lui redonner un peu d'élégance.Non je ne pourrais plus maintenant vivre trop longtemps dans la grande ville qui me prive de ces plaisirs là et puis surtout de la mer, là à deux pas de moi.
Hier soir, petite balade à la tombée du jour, malgré les nuages, les chèvres-feuilles embaumaient le paysage, plus loin vers le Cap de la Chèvre une ligne rose orangée soulignait la crête des reliefs de quelques maisons isolées, des arbres, de la pointe.. et quand on descendait vers la mer d'un bleu sombre, tout autour les ajoncs explosaient leur jaune comme des centaines de petits feux d'artifices terrestres.Plus loin, une petite maison semblait narguer le précipice abrupte qu'elle surplombait, se dressant fière, presque conquérante face à la mer, le large.
11 juin
Finalement l'après midi a amené la pluie..
Ce matin me revient ce refrain : « nous n'irons plus au bois les lilas sont fanés, entrez dans la danse, voyez comme on chante, voyez on danse, dansez chantez, embrassez qui vous vous voudrez »..
Je me souviens de ces rondes où l'on tournait main dans la main.. et qui à la fin laissait l'enfant du milieu choisir son, sa favorite... » qui à son tour se choisissait quelqu'un.. Ces rondes étaient bien cruelles malgré leur petit ton léger, car quand si on était rarement l'élu, on était bien triste alors..et puis pour le coup l'on ne pouvait jamais se choisir quelqu'un..
Il y avait aussi celle-là : «Entre les deux, mon coeur balance, je ne sais pas laquelle aimer des deux c'est à Julie ma préférence … Ah Marie si tu crois que je t'aime mon ptit coeur n'est pas fait pour toi, il est fait pour celui que j'aime et non pas pour celui que j'naime pas.. »
Cruel encore où là on pouvait crier haut et fort qu'on ne vous aimait pas..
Le théâtre déjà de la vie.
Une amie Claire Simon, un peu perdue de vue mais dont je continue à suivre la cinématographie brillante avait fait un très joli film documentaire sur les récréations, ce petit temps là répété plusieurs fois par jour où chacun doit trouver sa place, essayer de ne pas trop se faire dominer, ni dominer..
Il fait encore gris ce matin, où est passé le beau temps promis par météo france ?
Aujourd'hui nous avions prévu plage, sur la jolie étendue de sable mordorée de Pors Poulhan devant la transparence turquoise des ses eaux, de ses vagues..
C'est quand on est encore aptes à savourer de tels moments qu'on se sent vivre encore.La météo s'est encore trompée qui prévoyait comme souvent à son habitude pluie sur la Bretagne. Il fera bon tout à l'heure de prendre les petits sentiers côtiers qui courent au dessus de la mer.Il faudra sans doute tailler le lilas à sa base pour lui redonner un peu d'élégance.Non je ne pourrais plus maintenant vivre trop longtemps dans la grande ville qui me prive de ces plaisirs là et puis surtout de la mer, là à deux pas de moi.
Hier soir, petite balade à la tombée du jour, malgré les nuages, les chèvres-feuilles embaumaient le paysage, plus loin vers le Cap de la Chèvre une ligne rose orangée soulignait la crête des reliefs de quelques maisons isolées, des arbres, de la pointe.. et quand on descendait vers la mer d'un bleu sombre, tout autour les ajoncs explosaient leur jaune comme des centaines de petits feux d'artifices terrestres.Plus loin, une petite maison semblait narguer le précipice abrupte qu'elle surplombait, se dressant fière, presque conquérante face à la mer, le large.
11 juin
Finalement l'après midi a amené la pluie..
Ce matin me revient ce refrain : « nous n'irons plus au bois les lilas sont fanés, entrez dans la danse, voyez comme on chante, voyez on danse, dansez chantez, embrassez qui vous vous voudrez »..
Je me souviens de ces rondes où l'on tournait main dans la main.. et qui à la fin laissait l'enfant du milieu choisir son, sa favorite... » qui à son tour se choisissait quelqu'un.. Ces rondes étaient bien cruelles malgré leur petit ton léger, car quand si on était rarement l'élu, on était bien triste alors..et puis pour le coup l'on ne pouvait jamais se choisir quelqu'un..
Il y avait aussi celle-là : «Entre les deux, mon coeur balance, je ne sais pas laquelle aimer des deux c'est à Julie ma préférence … Ah Marie si tu crois que je t'aime mon ptit coeur n'est pas fait pour toi, il est fait pour celui que j'aime et non pas pour celui que j'naime pas.. »
Cruel encore où là on pouvait crier haut et fort qu'on ne vous aimait pas..
Le théâtre déjà de la vie.
Une amie Claire Simon, un peu perdue de vue mais dont je continue à suivre la cinématographie brillante avait fait un très joli film documentaire sur les récréations, ce petit temps là répété plusieurs fois par jour où chacun doit trouver sa place, essayer de ne pas trop se faire dominer, ni dominer..
Il fait encore gris ce matin, où est passé le beau temps promis par météo france ?
Aujourd'hui nous avions prévu plage, sur la jolie étendue de sable mordorée de Pors Poulhan devant la transparence turquoise des ses eaux, de ses vagues..
la panne d'ascenseur...
Hier j'ai été coincée dans un ascenseur un peu moins d'une heure... Cela ne devrait pas mériter sans doute un petit texte et pourtant. Se retrouver ainsi enfermé dans un espace restreint réveille bien des choses... J'ai lu cette phrase ce matin : « Un homme habile sait disparaître le moment qui précède celui où il serait de trop quelque part » un des préceptes de Boileau...
Hier, je n'étais pas de trop, j'étais et je n'étais pas... Je n'avais pas les moyens là de disparaître, je dépendais de l'autre, de celui que j'allais déranger, sans doute à l'heure du déjeuner.
Quand c'est arrivé, j'étais en train de tapoter sur un petit chapeau qui me coiffait...Il faut faire attention aux creux des chapeaux... Ils peuvent vite passer de l'élégance au burlesque... De toutes façons, j'aimais me situer à cette frontière, mais là j'étais dans l'hésitation... Quand soudain, l'ascenseur s'arrêta un peu brusquement, j'étais au bon étage mais la porte ne s'ouvrait pas et un clignotant m'annonçait l'appareil « hors d'usage »...
Jusque là, j'avais toujours fait la fière quoi ? Vous avez peur des ascenseurs... La première chose que je fis bizarrement fut d'enlever mon petit borsalino... inconsciemment, je me voulais tête nue, claire... Il s'agissait de s'organiser... j'appuyais à nouveau sur le numéro de mon étage, rien, sur le signe « porte ouverte », rien, après j'hésitais, devais-je d'abord appuyer sur la sonnette d'alarme ? Il y avait aussi un numéro de téléphone affiché... J'optais pour appeler F. l'épouse de mon père pour la prévenir que forcément j'allais être en retard pour le gigot... Comme j'étais à son étage, elle vint me parler de l'autre côté de la porte... Sur ses conseils j'appuyais d'abord sur l'alarme... rien.. j'appelais le numéro affiché, un homme me répondit aussitôt, me demanda mon nom.. Pourquoi ? Au cas où je fus une plaisantine, je suppose, et me dit qu'il allait me rappeler... Une dizaine de minutes plus tard, il m'avertit que quelqu'un allait venir, je lui demandais dans combien de temps, environ une demi-heure.. Tout d'un coup, j'eus un peu chaud...une petite angoisse commençait-elle à poindre... En tout cas, je ne voulais pas qu'elle vienne prendre trop de place... Sur les conseils de F. je m'asseyais par terre...
Évidemment prisonnière en quelque sorte, on pense assez vite à l'enfermement... Quoi, on se sent mal à l'aise, pour une petite panne de rien, alors que tant d'autres le sont, l'ont été bien davantage et pour bien plus longtemps... Alors là, se bagarre en soi, la raison et l'émotion... Bon ça ne va pas durer, il suffit d'être patiente de penser à autre chose, et puis on sent quand même pas loin l'envie poindre de taper de ses poings sur la porte... On se contient... D'où vient donc, ce mouvement de la pensée qui vous affole un peu alors que la raison s'échappe.. Me faisais-je comme un lavage de cerveau personnel...
Il m'était arrivé quelques quinze ans plus tôt d'avoir pendant près de deux ans, des périodes de peur panique... Ce vieux débat entre la raison et l'émotion ne m'était pas inconnu...
Combien de fois à l'époque, avais-je du d'un petit sifflotement discret faire croire aux autres mais surtout à moi-même que tout allait bien, alors que devenue incapable de faire la queue dans le moindre supermarché ou dans une file de cinéma... sans que votre pensée vous souffle que vous allez mourir là, que s'en est fait de vous, qu'en plus vous n'aurez même pas la mort discrète.. Le métro que j'avais pris des années sans y penser était devenu lieu aussi de beaucoup d'épouvantes.
Pourquoi, comment notre esprit s'autorise-t-il malgré soi cette divagation, choisissant la peur plutôt que l'insouciance... J'avais fini par penser qu'au fond cette immobilité obligée de l'attente était symboliquement comme une petite mort, que, dépendante de conjonctures enfermantes vous endossiez malgré vous l'immobilité des fameuses statues de sel... Ce n'est d'ailleurs pas anodin, que ce conte, ce mythe m'ait beaucoup marquée enfant.. Quoi, si on avait la faiblesse de se retourner, de se laisser aller à ce qui fait l'humain, on était statufié à jamais...
Alors soudain, quand la « chose » arrivait, vous n'aviez qu'une envie, la fuite éperdue... Comment dit-on déjà, le salut dans la fuite... Et pourtant, la seule manière de continuer à vivre, c'était au contraire de se confronter à cette peur là, pour ne pas lui laisser trop de place...
Bon là, cela ne m'arrivait plus.. mais je sentais bien, que tout ce débat, ce schéma cérébral n'était pas loin de se reconstituer... pas loin de s'afficher... Je pensais à autre chose, mais la question de l'enfermement était bien là... Me souvenant même qu'un amant en partant un matin m'avait enfermée chez lui de l'extérieur dans un geste automatique quotidien... ou inconscient... Je n'avais vraiment pas aimé ça... m'imaginant coincée là jusqu'au soir.... En cherchant, je m'étais délivrée, trouvant avec bonheur un double de la clef des champs...
Ouvrez, ouvrez aux oiseaux la cage...
Finalement le dépanneur arriva. Je l'aurais presque embrassé... C'était bien bon qu'il ouvre ma cage à moi pour m'éviter trop de confrontation avec cette peur légitime, humaine, sans doute ancestrale celle de ne plus pouvoir vivre libre et sans entrave...
L'histoire de Loth punie à jamais, statufiée, est bien paradoxale parce qu'elle semblerait exprimer l'idée qu'il ne faut pas trop regarder derrière soi, mais comment bien vivre le présent sans l'expérience du passé.......
Allez Carpe diem quand même...
Hier, je n'étais pas de trop, j'étais et je n'étais pas... Je n'avais pas les moyens là de disparaître, je dépendais de l'autre, de celui que j'allais déranger, sans doute à l'heure du déjeuner.
Quand c'est arrivé, j'étais en train de tapoter sur un petit chapeau qui me coiffait...Il faut faire attention aux creux des chapeaux... Ils peuvent vite passer de l'élégance au burlesque... De toutes façons, j'aimais me situer à cette frontière, mais là j'étais dans l'hésitation... Quand soudain, l'ascenseur s'arrêta un peu brusquement, j'étais au bon étage mais la porte ne s'ouvrait pas et un clignotant m'annonçait l'appareil « hors d'usage »...
Jusque là, j'avais toujours fait la fière quoi ? Vous avez peur des ascenseurs... La première chose que je fis bizarrement fut d'enlever mon petit borsalino... inconsciemment, je me voulais tête nue, claire... Il s'agissait de s'organiser... j'appuyais à nouveau sur le numéro de mon étage, rien, sur le signe « porte ouverte », rien, après j'hésitais, devais-je d'abord appuyer sur la sonnette d'alarme ? Il y avait aussi un numéro de téléphone affiché... J'optais pour appeler F. l'épouse de mon père pour la prévenir que forcément j'allais être en retard pour le gigot... Comme j'étais à son étage, elle vint me parler de l'autre côté de la porte... Sur ses conseils j'appuyais d'abord sur l'alarme... rien.. j'appelais le numéro affiché, un homme me répondit aussitôt, me demanda mon nom.. Pourquoi ? Au cas où je fus une plaisantine, je suppose, et me dit qu'il allait me rappeler... Une dizaine de minutes plus tard, il m'avertit que quelqu'un allait venir, je lui demandais dans combien de temps, environ une demi-heure.. Tout d'un coup, j'eus un peu chaud...une petite angoisse commençait-elle à poindre... En tout cas, je ne voulais pas qu'elle vienne prendre trop de place... Sur les conseils de F. je m'asseyais par terre...
Évidemment prisonnière en quelque sorte, on pense assez vite à l'enfermement... Quoi, on se sent mal à l'aise, pour une petite panne de rien, alors que tant d'autres le sont, l'ont été bien davantage et pour bien plus longtemps... Alors là, se bagarre en soi, la raison et l'émotion... Bon ça ne va pas durer, il suffit d'être patiente de penser à autre chose, et puis on sent quand même pas loin l'envie poindre de taper de ses poings sur la porte... On se contient... D'où vient donc, ce mouvement de la pensée qui vous affole un peu alors que la raison s'échappe.. Me faisais-je comme un lavage de cerveau personnel...
Il m'était arrivé quelques quinze ans plus tôt d'avoir pendant près de deux ans, des périodes de peur panique... Ce vieux débat entre la raison et l'émotion ne m'était pas inconnu...
Combien de fois à l'époque, avais-je du d'un petit sifflotement discret faire croire aux autres mais surtout à moi-même que tout allait bien, alors que devenue incapable de faire la queue dans le moindre supermarché ou dans une file de cinéma... sans que votre pensée vous souffle que vous allez mourir là, que s'en est fait de vous, qu'en plus vous n'aurez même pas la mort discrète.. Le métro que j'avais pris des années sans y penser était devenu lieu aussi de beaucoup d'épouvantes.
Pourquoi, comment notre esprit s'autorise-t-il malgré soi cette divagation, choisissant la peur plutôt que l'insouciance... J'avais fini par penser qu'au fond cette immobilité obligée de l'attente était symboliquement comme une petite mort, que, dépendante de conjonctures enfermantes vous endossiez malgré vous l'immobilité des fameuses statues de sel... Ce n'est d'ailleurs pas anodin, que ce conte, ce mythe m'ait beaucoup marquée enfant.. Quoi, si on avait la faiblesse de se retourner, de se laisser aller à ce qui fait l'humain, on était statufié à jamais...
Alors soudain, quand la « chose » arrivait, vous n'aviez qu'une envie, la fuite éperdue... Comment dit-on déjà, le salut dans la fuite... Et pourtant, la seule manière de continuer à vivre, c'était au contraire de se confronter à cette peur là, pour ne pas lui laisser trop de place...
Bon là, cela ne m'arrivait plus.. mais je sentais bien, que tout ce débat, ce schéma cérébral n'était pas loin de se reconstituer... pas loin de s'afficher... Je pensais à autre chose, mais la question de l'enfermement était bien là... Me souvenant même qu'un amant en partant un matin m'avait enfermée chez lui de l'extérieur dans un geste automatique quotidien... ou inconscient... Je n'avais vraiment pas aimé ça... m'imaginant coincée là jusqu'au soir.... En cherchant, je m'étais délivrée, trouvant avec bonheur un double de la clef des champs...
Ouvrez, ouvrez aux oiseaux la cage...
Finalement le dépanneur arriva. Je l'aurais presque embrassé... C'était bien bon qu'il ouvre ma cage à moi pour m'éviter trop de confrontation avec cette peur légitime, humaine, sans doute ancestrale celle de ne plus pouvoir vivre libre et sans entrave...
L'histoire de Loth punie à jamais, statufiée, est bien paradoxale parce qu'elle semblerait exprimer l'idée qu'il ne faut pas trop regarder derrière soi, mais comment bien vivre le présent sans l'expérience du passé.......
Allez Carpe diem quand même...