Un ami me dit il y a quelques jours : Tu l'as échappé belle ! Et dans l'élan, je pense et lui rétorque : Mais j'aime justement les échappées belles... ! Me viens à l'esprit alors l'étrangeté de la chose. D'un côté on exprime un danger auquel on aurait en quelque sorte échappé, de l'autre on suppose au contraire dans une jolie métaphore un sentiment, une fuite peut-être (éperdue parfois) vers une plus grande liberté supposée voire comme retrouvée.
Quelle est l'origine de cette dérive lexique ?
L'expression apparaît dès 1466, on disait alors « qui belle l'eschappa ». Le mot belle y est alors exprimé dans le sens de bien, de soulagement, de ce à quoi on aurait échappé...
L'échapper belle (première orthographe) ne provient pas de la même étymologie, mais semble issue d'une expression liée au Jeu de Paume qui signifiait manquer une belle balle ou une jolie occasion de la rattraper..
« Tu l'as échappé belle... », reste proche de son sens initial... Comme on a oublié l'étymologie de la chose, on peut s'interroger légitimement sur le l' de l'expression, il n'a plus de genre ( le participe reste indéfini) et pourtant dans le langage courant ce l' suppose un danger possible, une situation délicate.. évitée.
L’échappée belle a elle pris un peu la dérive, elle suppose un genre de départ solitaire d’une personne qui s'éloigne des autres, prend de l'avance, de la distance, le large, comme si d'une certaine manière au fond elle s'éloignait sans le citer de ce danger qui guetterait là tapi dans l'ombre ?
Pour y échapper belle finalement on doit faire une belle échappée... Le salut dans la fuite ?
L’emploi de l'expression est assez fréquent dans le vocabulaire sportif, elle prend alors une dimension plus spécifiquement physique. On dit alors que le coureur a fait une échappée (le plus souvent sans son adjectif belle) quand un cycliste ou un athlète a réussi à prendre une longue avance sur ses poursuivants...
Amusant aussi de constater que, d'une certaine manière une belle échappée, ne soit pas tout à fait une échappée belle.. La position d'un adjectif peut changer bien des choses...

Exemple :

« Il était dans le peloton de tête lorsqu'il a senti qu'il pouvait tenter une échappée, alors, il a foncé, il a appuyé un peu plus fort et plus vite sur les pédales et, sans dopage (sic), il a réussi une belle échappée, c'est mieux que de se faire la belle ? »

Et voilà que l'on retrouve une nouvelle expression... se faire la belle... ou plutôt là en l'occurrence faire la belle ..
L'expression remonterait au Moyen-âge, en effet, lors de leurs duels les chevaliers arboraient les couleurs d'une jeune femme. S'ils remportaient la troisième manche, ils gagnaient un baiser de celle-ci. C'est ainsi qu'aujourd'hui on annonce, on demande dans une partie de dés ou de stratégie : On fait la belle ? Mais pas on se fait la belle...
L'emploi du mot belle est retrouvé dans le passé dans des expressions telles que : vous l'aviez belle de partir ou encore vous l'aviez belle de vous expliquer, le belle alors sous entend comme précédemment une belle occasion...
Les truands se l'accaparent au XIX ème siècle avec se faire la belle... Sous entendu profiter d'un moment opportun pour s'échapper... prendre la poudre d'escampette...
Se faire la malle.. dit-on aussi, la malle étant un genre de grosse valise que l'on plaçait à l'arrière des diligences... Voir aussi la malle-poste voiture véhiculée par des chevaux destiné aux transports des dépêches et des missives... Faire sa malle suppose se préparer à partir... de là se faire la malle...

Vive les échappées belles pour conclure... On y trouve souvent du bonheur, et soudain m'aperçois que je n'avais jamais rapproché bonne heure de bonheur... Cela semble assez élémentaire comme étymologie mais jamais je n'y avais songé...

Finalement d'une certaine manière, j'avais bien fait, puisque que la notion de temps n'a aucun rapport avec l'affaire...
Heur en effet, vient du latin agurium et augurium et sous entend de bons présages. De bonnes augures...
Être heureux finalement ce serait surtout bénéficier d'un destin favorable...
Notez que nous avons échappé de peu au mot heureuseté, l'état d'être heureux dont l'usage a disparu... Nous l'avons échappé belle !