H2O

10/29/2010

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Des quatre éléments, l'eau est le mien.
Je suis une vagabonde des mers bien plus que des chemins buissonniers.
Au début, j'avais intitulé ce petit papier «nager», parce que je voulais partager « la Mort heureuse » de Camus et puis, très vite, nager seul ne m'a plus satisfaite. Non pas qu'il restreigne le champs possible de l'écriture, mais plutôt qu'en m'interrogeant sur ce plaisir là, j'en suis venue forcément à la mer, puis à d'autres étendues d'eau. J'ai pensé alors qu'au fond nager devait tellement à l'élément liquide en soi que je ne pouvais l'en extraire.
Quel plaisir que ces vagues qui éclatent sur soi, vous saoulant d'elles en vous faisant divaguer, de plonger yeux bien ouverts dans l'élément salé, d'y goûter aussi, de nager à contre courant brasse ou dos crawlé, de laisser son corps aller avec le courant, oreilles immergées à l'écoute des bruits estompés des fonds, tandis que les yeux éblouis se portent vers le ciel.
Et dans ce bonheur là simple et comme retrouvé, souvent j'éclate de rire aussi. (réf le texte de Camus). Parce que la vague est taquine, sournoise, aime vous surprendre si vous n'y prenez garde...
Me rappelle de parties de pêche à la télline ou, assise dans l'eau, grattant le sable de mes mains, des vagues un peu scélérates venaient se jouer de moi, me tourneboulant, m'enroulant dans la fraicheur de leur écume, alors émergeant bras par dessus tête, j'éclatais souvent de rire, tellement ce plaisir là était joyeux, simple, évident. Quelquefois des promeneurs souriaient alors de me voir rire. Quel bonheur..
Que serions-nous pauvres terriens sans toute cette eau, qu'elle soit mer, rivière, lac, torrent. En dehors de satisfaire à notre survie élémentaire, l'eau, autant que le ciel apporte au monde une infinie beauté, une poésie nécessaire.
Autant que sa sensualité, c'est cette communion avec elle que je savoure.
Me souviens de rêveries sur les bords de Loire, de sa lumière douce, bleutée qui m'empêchait de regretter trop la mer, du Lac Inle de ses fines pirogues ciselés et des lucioles effarouchées dans la nuit. Me reviennent aussi quelques torrents auxquels j'ai, plus d'une fois, offert mon corps nu, de petites oasis hospitalières qui inscrivaient leur verdure dans les Gorges du Dadès, de la plénitude romantique de quelques lacs italiens. Combien de fois me suis-je accoudée tranquille, rêveuse aux parapets de ponts..
Les paysages aquatiques sont des invites à l'imaginaire, des courtes échelles vers les songes.
A ces plaisirs visuels se rajoutent forcément tous les sons associés. Chuintements, gazouillis, clapotis ou clapots, glouglous en tous genre, grondements ou souffles, longues respirations..
J'ai cherché la liste de toutes ces appellations, mais il semble qu'il n'y en ait pas un répertoire bien établi.
Et puis il y a les reflets, les couleurs et l'eau qui dort, qui tempête, qui coule, qui se promène, qui serpente, qui s'enroule...
Un élément émouvant et mouvant.

« Si un contemplatif se jette à l'eau, il n'essaiera pas de nager, mais il essaiera d'abord de comprendre l'eau. Et il ne noiera.. » Henri Michaux

Pourtant je nage encore..

Albert Camus extrait de : « La Mort heureuse ».

« Il lui fallait maintenant s'enfoncer dans la mer chaude, se perdre pour se retrouver, nager dans la lune et la tiédeur pour que se taise ce qui en lui restait du passé et que naisse le chant profond de son bonheur. Il se dévêtit, descendit quelques rochers et entra dans la mer. Elle était chaude comme un corps, fuyait le long de son bras, et se collait à ses jambes d'une étreinte insaisissable et toujours présente. Lui, nageait régulièrement et sentait les muscles de son dos rythmer son mouvement. A chaque fois qu'il levait un bras, il lançait sur la mer immense des gouttes d'argent en volées, figurant, devant le ciel muet et vivant, les semailles splendides d'une moisson de bonheur. Puis le bras replongeait et, comme un soc vigoureux, labourait, fendant les eaux en deux pour y prendre un nouvel appui et une espérance plus jeune. Derrière lui, au battement de ses pieds, naissait un bouillonnement d'écume, en même temps qu'un bruit d'eau clapotante, étrangement clair dans la solitude et le silence de la nuit. A sentir sa cadence et sa vigueur, une exaltation le prenait, il avançait plus vite et bientôt il se trouva loin des côtes, seul au cœur de la nuit et du monde. Il songea soudain à la profondeur qui s'étendait sous ses pieds et arrêta son mouvement. Tout ce qu'il avait sous lui l'attirait comme le visage d'un monde inconnu, le prolongement de cette nuit qui le rendait à lui-même, le cœur d'eau et de sel d'une vie encore inexplorée. Une tentation lui vint qu'il repoussa aussitôt dans une grande joie du corps. Il nagea plus fort et plus avant. Merveilleusement las, il retourna vers la rive. A ce moment il entra soudain dans un courant glacé et fut obligé de s'arrêter, claquant les dents et les gestes désaccordés. Cette surprise de la mer le laissait émerveillé. Cette glace pénétrait ses membres et le brûlait comme l'amour d'un Dieu d'une exaltation lucide et passionnée qui le laissait sans force. Il revint plus péniblement et sur le rivage, face au ciel et à la mer, il s'habilla en claquant des dents et en riant de bonheur. »
3/31/2012 07:30:55 am

good post

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